Geagea: “Je n’attends plus rien de la France”

Geagea: “Je n’attends plus rien de la France”

| jeudi 14 décembre 2023

Nous sommes prêts à bouger” pour sauver le Liban, assure Samir Geagea, une grande figure de l’opposition chrétienne.

Propos recueillis par Mériadec Raffray / Valeurs Actuelles le 14 décembre 2023

À la tête des Forces libanaises, le plus grand parti du pays (19 députés), Samir Geagea, 71 ans, est l’un des principaux chefs des maronites chrétiens. L’ancien prisonnier politique (1994-2005) nous reçoit dans son repaire de la montagne de Maarab, qui domine la baie de Jounieh, au nord-est de Beyrouth, auquel on accède après avoir passé les sas blindés qui isolent son bureau-domicile du monde. Sa tête est mise à prix.

Comme envisagez-vous l’avenir du Liban ?

Il est difficile de l’anticiper, même s’il y a une direction. A la fin de la guerre de Gaza, la balance des forces aura changé au Moyen Orient. Ce qu’on ne sait pas, c’est si la donne aura changé un peu ou beaucoup…

Êtes-vous optimiste ?

Je ne sais pas non plus. Avant le 7 octobre, il y avait beaucoup de signaux positifs dans l’économie. Nous nous attendions à un nouveau regain à Noël. L’élan est retombé, la guerre a gelé la scène libanaise. Notre pays demeure un oasis de liberté et de démocratie au Moyen Orient malgré tous les drames passés : 30 ans d’occupation syrienne (Ndlr : 1976-2005) et, depuis 2005, l’hégémonie du Hezbollah. C’est une arme iranienne par excellence. Il veut imposer son programme au Liban sans y parvenir. Il a fini par paralyser le pays que l’on connait. Nos racines existent toujours mais elles sont dans une phase dormante.

La France a t-elle la capacité et la volonté de vous aider à « réveiller » vos racines ?

Du point de vue émotif, j’attends toujours de la France. Du point de vue pratique, je n’en attends plus rien… Prenez la séquence présidentielle. La France, au départ, a fait beaucoup d’efforts pour que les Libanais élisent le candidat du Hezbollah, Sleimane Frangié. Pour moi, citoyen libanais qui aime la France, ce n’est pas acceptable.

Vous en voulez au gouvernement français ?

Un journaliste britannique a récemment écrit : « La France au Liban : let it be (« qu’il en soit ainsi ») ». À chaque fois que la France prend une position au Liban, elle n’a pas d’idée. Elle a appuyé les Syriens. Qu’il en soit ainsi. Et maintenant le Hezbollah. Qu’il en soit ainsi… La France n’écoute que les rapports de force. Si on regarde le Liban de loin, on comprend que le Hezbollah a des armes, qu’il est fort et soutenu par l’Iran, qu’il faut donc le ménager. Tant pis si soutenir son candidat, c’était aller à l’encontre de la souveraineté libanaise, des réformes et des institutions. Ce n’était pas acceptable. Depuis, les Français ont changé d’avis.

Pendant ce temps le peuple souffre. Comment sauver ce pays ?

Ce n’est pas en faisant élire le candidat du Hezbollah ; cela empirerait. A l’avant-dernier voyage de Jean-Yves Le Drian (Ndlr : envoyé spécial de l’Elysée pour le Liban), nous nous étions mis d’accord sur un nom alternatif en la personne de l’économiste maronite Jihad Azour, ancien ministre, chef du département Moyen-Orient du FMI. Le Hezbollah a dit non. Nous, nous sommes prêts à bouger.

Qu’en pense l’Amérique ?

Je crois que nous ne comptons pas beaucoup pour elle. Le Liban n’a jamais été son plat préféré. C’est un plat réservé aux Français.

Pourquoi êtes-vous reclus dans votre repaire ?

Je suis devenu une cible pour le Hezbollah. Vous savez, ce ne sont pas des imbéciles. Lorsqu’ils tuent des opposants, c’est pour changer la donne. Depuis les législatives de 2022, les Forces Libanaises sont majoritaires chez les Chrétiens. Mais être confiné ici, cela n’a rien de nouveau. Mes aïeux restaient en permanence dans la montagne.

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