Le Pape Léon XIV: Le Saint-Siège est Disponible Pour que les Ennemis se Rencontrent
De la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré et au Caucase. «Quelle violence!»
Dans un dense discours d’une dizaine de minutes, le Pape Léon XIV a livré sa feuille de route pour les Églises orientales, lors de la deuxième audience depuis son élection sur le trône de Pierre, accordée, mercredi 14 mai, aux participants au Jubilé des Églises orientales. Le Pape s’est engagé à tout faire pour répandre la paix au Moyen-Orient et à donner la possibilité aux chrétiens de rester sur leurs terres, tout en offrant la disponibilité du Saint-Siège à faire dialoguer les ennemis.
Dans la droite filiation de Léon XIII et sa valorisation des Églises d’Orient par la lettre apostolique Orientalum dignitas du 30 novembre 1894, le Pape Léon XIV a manifesté une très fine conscience de la double histoire glorieuse et douloureuse des chrétiens d’Orient dans son deuxième discours public de la semaine. Léon XIII, fut en effet le premier à consacrer un document spécifique à la dignité des Églises orientales, confirmant leur autonomie au sein de l'Église universelle.
Promouvoir l'Orient chrétien chez les latins
Cette préoccupation d’alors demeure actuelle, en raison des exodes liés à la guerre, aux persécutions, à l’instabilité et à la pauvreté, qui selon le Pape Léon XIV risquent de faire perdre aux orientaux, outre leur patrie, leur identité religieuse. «C’est ainsi qu’au fil des générations, le patrimoine inestimable des Églises Orientales se perd», a-t-il alerté.
Plus d’un siècle après Léon XIII, Léon XIV a ainsi appelé «à préserver et à promouvoir l’Orient chrétien», en particulier dans la diaspora, où il y est nécessaire de sensibiliser les Latins, en plus de la création, lorsque cela est possible et opportun, de circonscriptions orientales. Le nouveau Souverain pontife demande ainsi au dicastère pour les Églises orientales de l’aider à définir «des principes, des normes et des lignes directrices» grâce auxquels les pasteurs latins pourront concrètement soutenir les catholiques orientaux de la diaspora, «afin de préserver leurs traditions vivantes et d’enrichir par leur spécificité le contexte dans lequel ils vivent».
Les leçons spirituelles de l'Orient à l'Occident
«L’Église a besoin de vous. Quelle contribution importante peut nous apporter aujourd’hui l’Orient chrétien!», a lancé le nouvel évêque de Rome sous les applaudissements, égrainant les nécessités pour l’Occident chrétien de «retrouver le sens du mystère» si vivant dans les liturgies orientales, «en impliquant la personne humaine dans sa totalité, chantant la beauté du salut et suscitant l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine!»
Outre le sens du mystère, Léon XIV a pointé un nécessaire retour de celui de la primauté de Dieu dans l’Occident chrétien. À cette fin, il faut selon lui redécouvrir «la valeur de la mystagogie, de l’intercession incessante, de la pénitence, du jeûne, des larmes pour ses propres péchés et pour ceux de toute l’humanité (penthos)».
«Il est donc fondamental de préserver vos traditions sans les édulcorer ne serait-ce que par commodité, afin qu’elles ne soient pas corrompues par un esprit consumériste et utilitariste», a relevé le Pape, considérant les spiritualités orientales comme un remède. «Le sens dramatique de la misère humaine s’y confond avec l’émerveillement devant la miséricorde divine, de sorte que nos bassesses ne provoquent pas le désespoir mais invitent à accueillir la grâce d’être des créatures guéries, divinisées et élevées aux hauteurs célestes», a-t-il poétiquement déclaré, avant de lancer un vibrant appel à la fin des guerres ravageant cette région des débuts de la rédemption humaine.
Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent
«Qui donc, plus que vous, pourrait chanter des paroles d’espérance dans l’abîme de la violence?», a-t-il interpellé, citant les différents théâtres de guerre de ces lieux où l’histoire du Salut s’est racontée. De la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré et au Caucase. «Quelle violence!», a-t-il déploré, constatant toutefois que sur toute cette horreur, sur les massacres «de tant de jeunes vies qui devraient provoquer l’indignation car ce sont des personnes qui meurent au nom de la conquête militaire», se détache l'appel à la paix, non pas du Pape, mais du Christ répétant «La paix soit avec vous!». «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne».
Léon XIV a expliqué comment cette paix du Christ «n’est pas le silence de mort après le conflit, elle n’est pas le résultat de l’oppression», mais «un don qui concerne les personnes et réactive leur vie». «Prions pour cette paix qui est réconciliation, pardon, courage de tourner la page et de recommencer», a-t-il exhorté, garantissant toute la disponibilité du Saint-Siège. «Je mettrai tout en œuvre pour que cette paix se répande. Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux, pour que les peuples retrouvent l’espérance et la dignité qui leur reviennent, la dignité de la paix.»
Fuir les visions manichéennes des récits violents
Aux responsables des peuples, Léon XIV lance un appel fort à la rencontre, au dialogue, à la négociation. «La guerre n’est jamais inévitable, les armes peuvent et doivent se taire, car elles ne résolvent pas les problèmes, elles les aggravent; ce sont ceux qui sèment la paix qui passeront à la postérité, pas ceux qui font des victimes; les autres ne sont pas d’abord des ennemis, mais des êtres humains: pas des méchants à haïr, mais des personnes avec qui parler». Et le nouveau Pape d’inviter chacun «à fuir les visions manichéennes typiques des récits violents qui divisent le monde entre bons et méchants», répétant l’inlassable appel de l’Église: «Que les armes se taisent». Le Souverain pontife a ensuite remercié tous ceux qui dans le silence, dans la prière, dans le don de soi, tissent des liens de paix, ainsi que les chrétiens –orientaux et latins– qui, surtout au Moyen-Orient, persévèrent et résistent sur leurs terres, plus forts que la tentation d’abandonner ces terres. «Il faut donner aux chrétiens la possibilité, et pas seulement en paroles, de rester sur leurs terres avec tous les droits nécessaires à une existence sûre. Je vous en prie, engagez-vous pour cela!», a-t-il relevé avant qu’un long moment de prière n’enveloppe la salle Paul VI.
Se libérer des dépendances mondaines
Enfin le Successeur de Pierre a invité les pasteurs de cette mosaïque d’Églises orientales à promouvoir «avec droiture la communion», surtout dans les Synodes des Évêques, afin qu’ils soient «des lieux de collégialité et d’authentique coresponsabilité». «Veillez à la transparence dans la gestion des biens, témoignez d’un dévouement humble et total au saint peuple de Dieu, sans attachement aux honneurs, aux pouvoirs du monde et à votre propre image».
«La splendeur de l’Orient chrétien demande aujourd’hui plus que jamais d’être libérée de toute dépendance mondaine et de toute tendance contraire à la communion, afin d’être fidèle à l’obéissance et au témoignage évangéliques», a-t-il conclu. Le Pape a ensuite béni l’assemblée où flottait de nombreux drapeaux ukrainiens, irakiens, indiens, libanais, mais aussi canadiens ou péruviens. Il a pris un long moment pour saluer un à un les différents responsables des Églises orientales venus à Rome pour le Jubilé ou le conclave, à l’image des cardinaux électeurs Louis Raphaël Sako (Irak), Dominique Mathieu (Iran), et Berhaneyesus Souraphiel (Éthiopie) ou encore, entre autres, l’archevêque majeur de Kiev, Mgr Sviatoslav Shevchuk, ainsi que le patriarche de Cilicie des Arméniens, Raphaël Bedros XXI Minassian.